La nonne

Ses yeux en triangle triste

Courbent ses cils vers le ciel

Son visage allongé de rides

Transgresse l'espérance

En exprimant une tristesse 

       Profonde

La rougeur de ses joues

Et de sa bouche ensanglantée

Annonce les stigmates

D'une passion intérieure

Son voile noir

Cadre funeste

Ombreux, sépulcral

Une main sur le coeur 

Que pleure-t-elle ?

Le Christ dans sa Passion

Ou son propre calvaire ?

AMML 4 X 2019

Inspiré du tableau d'Otto DIX, La nonne

Mes cauchemars

Je suis dans une piscine couverte

Les bords ne sont pas larges

Je nage mais l'eau est verte

Et verdâtre le fond abyssal

Je suis seule et il m'aspire

Quelqu'un est sur le bord

Il me prévient mais ne peut rien.

                      AMML 14 IX 2019

Je suis dans une boîte 

Aux côtés plastifiés de bâche

Je suis nue

Et ne suis pas seule

Mais qui est l'autre

Un coin se relève

Assise, je me lève

Je suis nue

                    AMML 14 IX 2019

Allemagne - 1945

Une noirceur imprègne
Chaque recoin de la ville
Épave obscurcie des feux
                             Mal éteints 

Des yeux hagards scrutent

L'obscurité d'où pourrait surgir

                         Une vie  

Après la tourmente des orages 

                            De bûchers

Un silence de solitude

Babylone, cimetière

                                        En décomposition

Le sol souillé

Les murs carbonisés

Et les ténèbres des cieux

                               Se rejoignent

Cité maculée

Comment se défaire du mal ?

Les cris de l'enfant affamé rompent

                         Le silence

Allégorie de l'espoir

Dans ces décombres

                                De l'épouvante

                                             AMML 7 IX 2019

Tableau inspirant : Anselm KIEFER, Serafin

La guerre fratricide

 La guerre fratricide nous a tout pris

Pas seulement notre vie

Ou celle de nos enfants

C'est qu'en dérobant nos terres

Et le foyer des parents

Elle nous ravit notre passé

En provoquant l'exil

Elle fait de nous des apatrides

Et de nos enfants

Des heimatlos de l'esprit

Elle fait couler le sang

Elle fait couler la sueur

Et les pleurs

De nos aïeuls, elle fait naitre

Les cheveux blancs

Elle laisse dans les yeux

                          Des parents

Des mirages de lieux

                          Abandonnés

Comme des lueurs

                         D'espoir triste

Qui virent à l'impuissance

Quand le temps écoulé

Et les premiers stigmates

                          De la vieillesse

Rendent le retour incertain

                          AMML 5 IX 2019

Le Sentier

Une pierre anguleuse 
Hissée sur le chemin
La boue, une gadoue
Élastique aux pieds
Automne

J'avance

Le chemin illuminé

De taches et de nuit

Et puis poussiéreux

L'air imprégné

Emplit les narines

Les courbes, virages, sinuosités

Mystères au-delà

Surprises en deçà

L'abeille, la mouche

La guêpe, le bourdon

L'atmosphère est saturée

Printemps

             AMML 12 VIII 2019

La jetée Khayr al-Din l'hiver

Sur la jetée
L'écume rebondit
Menaçante

Pas de bain aujourd'hui

Les passants lassés

S'agitent dans leurs va-et-vient

Le vent se brise

Sur les visages grimaçants

Des cols relevés

Courent se protéger

Dans la salle commune

Dehors Borée redouble

Sa force

Téthys s'élève

Figure triomphante

Elle submerge la jetée

            AMML 11VIII 2019

Les camps

 Silence

Face à ces corps

Ceints de fil de fer

À ces âmes

Arrivées au-delà du dicible

Silence

Poésie muette

L'horreur

N'a plus de nom

...

Silence 

Celui du camp

Percé de cris

...

...

Silence

Fumée grise

...

...

...

Silence

...

...

...

...

AMML 27 VII 2019

Mirage noir

La mort vrille
Au ciel du désert
La fille se traine
Plus de fantasme
Plus de douleur
Limite atteinte
La marche forcée
Dérive en anéantissement
Le corps flanche
Mirage noir
Ensevelissement lent
Dans le sable traitre
La traversée n'aura pas lieu.
          AMML 27 VII 2019

La musique est là

La musique est là
Douce
Étrange
Balance mon âme
Piano piano

La musique est là
Staccato
Vibrant
Secoue mon âme
Sta-cca-to
           AMML 13 VII 2019

La mort est douce

 À ma famille

La mort est douce mais vous ne la voulez pas
Pourtant elle est là
Pire que la souffrance sans nom et sans fin
Ce que je ne veux pas

La mort est douce mais vous ne la voulez pas
Le droit au repos
Le droit à la dignité
Le droit du choix

La mort est douce mais vous ne la voulez pas
Mais je m'en vais
C'est la fin d'un chemin
Heureux avec vous

La mort est douce mais vous ne la voulez pas

Lâchez ma main

J'ouvre la porte

Ma délivrance est là

               AMML 13 VI 2019

(le droit à une mort digne)

Une fleur épanouie

 Une fleur épanouie
À la lisière du toit
Le gris anthracite
Rehausse le velours mauve
Sur la tige verdoyante
                        AMML 5 VII 2019

La poésie embaume

La poésie embaume 

L'instant du souffle

Elle rudoie l'esprit

Elle embrasse l'espace

Telle une prose musicale

Un maitre des mots

AMML 5 VII 2019

El mundo oscuro

 El mundo oscuro

Rodea la cabeza

Del poeta

Al fondo luz

Tenue redonda

Diminuta 

Pero luz

AMML 29 III 2019

El silencio agudiza el oido sensible entonces  

A la música del laud

    El agua del jardín

    El pájaro en el ramaje

          AMML 29 III 2019

Méditation

Un moment de silence intérieur

Une fleur épanouie

Fécondité de l'esprit serein

La turbulence affleure et 

Piétine l'émergence

De l'esprit fécond

Alors

Prière et soif du retour

À l'esprit profond

Le regard se tourne

Vers ce que personne

Ne perçoit

Indéfinissable et ineffable

Paysage du non-dit

C'est l'instant 

De la conscience

Du soi

Mais

Encore une halte

Présence

Au monde extérieur

Qui nous entoure

Éphémère et éternel

Se rejoignent

Aperçu de l'Éveil

            AMML 4 V 2019

Comme une apparition

 Là, assise

Au milieu du désert

Sur le mamelon

De la dune

Dans ta robe bleu coton

Les petits objets

Babioles bariolées

Censées attirer

Le regard de l'étranger

Taches de couleur

Sur le sable ambré

Au loin, tes chameaux

Broutent

Quelle misère extrême

T'a posée là

Pour attendre

L'aléatoire passage

D'une compassion ?

        AMML 22 IV 2019

Dunes

Les rafales de vent
Glissant sur le sable

Ondulant du désert

Des myriades de grains

Fouettant l'air

La dorure des arénités

Reflet incandescent

Du soleil

Plus que jamais

Astre de lumière

Que des dunes

Se succédant

L'infini est là

Mieux qu'ailleurs

Dans cette répétition 

Têtue des mornes

Monotone et fascinante couleur

Qui attrape notre regard

Et nous hypnotise.

                    AMML 21 IV 2019

Je cantonne ma folie

 Je cantonne ma folie aux discours polis que d'autres peuvent lire.

Seul le poème libère les filaments bleuis

De mes pensées délétères

Enfin éructées, elles s'amoindrissent comme peau de chagrin

Jusqu'au prochain embranchement de ronces

Qui me poussera à une saignée de mots

Pour accoucher l'angoisse, langue de lave qui brûle mon coeur et chavire ma tête.

                                                                                                   AMML 19 III 2019

Les autres

 Tous ont des aiguilles dans les yeux
Qui traversent ma tête fatiguée

Sur leurs têtes des dagues hérissées

Leur scintillement aveugle mon regard

Leurs corps traversés de serpents rouges

Qui affleurent à leur peau

Et menacent de gicler

Au moindre grincement de ma bouche

Et la leur dont la langue aiguisée

Paraît sous la bave blanchâtre

Pour blesser mes oreilles déjà meurtries

Leurs mains et leurs pieds fourchus

S'avancent et m'embrassent, m'étreignent

De leur brûlure et de leurs pointes

Mon coeur, mon corps et mon esprit se cambrent

Leurs mauvaises pensées ne m'atteindront pas.

                                                AMML 19 III 2019

La poésie sentinelle

La poésie sentinelle

De l'errance de mon esprit

Vagabond

Désolé de vivre une souffrance

Inutile : le mal des autres.

Le non-sens soudain 

Se dilue dans ses contours

Jusqu'à fondre

Misérable peau de chagrin.

La poésie rédime

De l'ivresse de la mélancolie,

De ses filets serrés

Qui me coulaient.

Rentrer en soi

Retrouver les délicates nervures du moi,

Les inonder de paroles,

Quelles qu'elles soient,

Elles abreuveront l'âme.

Une luminescence de sérénité

Éteindra les volcans noirs

De la désespérance.

Du pur jaillissement de mots

Advient la lumière...

                    AMML 11 III 2019

Un mal de vivre

 Un bouillonnement
De pensées fiévreuses

Le coeur battant

De mille mots

Étouffés

Qui se bousculent

À la lisière 

De l'âme

Pourquoi ce foisonnement

Douloureux

Telle une étreinte 

À la mort

Enfin la poésie

Qui libère l'esprit

L'instant d'un soupir

            AMML 11 II 2019

La nuit obscurcit l'horizon

La nuit obscurcit l'horizon

De l'enfant souffrant.

Comme un liquide visqueux

La mort rôde.

Quel sont ces fantômes

Qui s'appesantissent

Sur le berceau

Presque froid ?

L'haleine saccadée

Du petit visage

Rouge de fièvre

Présage l'instant qui suit

Quand le silence

De marbre froid

S'abattra lentement 

Dans la chambre

Désormais mortuaire.

               AMML 11 II 2019

Le temps des hirondelles est passé

Le temps des hirondelles est passé

C'est la terreur et le chaos

Le règne du mal

Sous des formes hybrides

Qui confondent le peuple

Victime des changeurs de mondes

Le feu illumine les rues

Les flammes embrasent les maisons

La ville bruit de crépitements 

Et de pleurs

Cette fois point de rédempteur

Les temps de l'espoir sont passés

                                AMML 28 I 2019

Le poème ne surgit pas

Le poème ne surgit pas

D'un coeur fermé à la vie

Mais du désespoir

Qui recherche le sens

De la joie 

D'une vie insoupçonnée

D'une vie 

Qu'il est urgent de mettre en paroles

Des empreintes

Qui signaleront notre passage

Chaque texte est un totem

La relecture rend un son

Qui illumine

Tels de petits lampions

La vie difficilement apaisée

De celui qui écrit 

Pour ne pas sombrer

L'écriture est un exutoire

De nos frayeurs profondes

Un point d'ancrage

Pour les déracinés

                         AMML 20 I 2019

Ressaisir l'unité

Attentive à calmer l'esprit

Aux sources du plaisir

Que rien ne vienne perturber 

La sérénité de l'âme

Attachée à retrouver le souffle premier

À concentrer la pensée en un point

Le sourire se dessine

Reflet de la conscience au présent

                                                                                        AMML 15 I 2019

                                                    Poème bouddhiste

Mi yo

Mi yo está conformado

De lengua y cultura

Francesas

Lo español lo envuelve

Como el abrazo 

De una madre

      AMML 20 XII 2018

Cuadro: Virginia PALOMEQUE, Madre e hija

La ville

Un ogre tentaculaire

De cubes multiformes

Et dans le sud du monde

La ville aquatique

Repose en ondes 

Infinitésimales

Sur la candeur apparente

Du fluide

Des formes bariolées

Hétérogènes

Passage de pauvreté 

Silencieuse

La brume voile

Légèrement

Les hauteurs de tes monts

Dans les montagnes 

D'Europe

Le riche plante

Sa demeure

Champignon de briques

Et de ciment

Casseur d'harmonie

Éternelle

La fureur de l'océan

Se déchaine

Des vagues

Langues de colère

Brisent le non-sens 

De ces blocs

Où sont les rondeurs 

De la nature ?

Villes abandonnées

Cimetières de rien

Témoignages indécents

De notre empreinte

       AMML 20 XII 2018

    Poème inspiré de l'expo Parresia y lugar de Dionisio González au CAC Malaga

Une ombre bienveillante

Une ombre bienveillante

Traverse le ruisseau

De mon âme

Une lumière ténue

Et calme et chaleureuse

Elle passe

En de légères vibrations

Qui réveillent au présent

L'esprit apaisé

                AMML 18 XII 2018

Folie

Tu me guettes

Tu m'effleures

Tu es tapis là

Tu me regardes

Et je te vois

Derrière les coulisses

De la raison

Tu me souris

De ton regard de hyène

Tes griffes acérées

Prêtes à déchirer 

La carapace du sens commun

Décidée comme une liane

À fourcher ma langue

Pour commencer le délire

De la déraison et de la rage

La rage, une excroissance 

De mots baveux

Qui font brûler 

Et trembler

Le corps effréné

              AMML 24 II 20218

Les arabesques biscornues

Les arabesques biscornues

De mon coeur tourmenté

Le sombre nuage gris 

Qui obscurcit mon esprit

Et le remplit de brumes 

Épaisses

Il alourdit la parole

Qui prend des chemins

De traverse

La conscience accablée 

De pensées tortueuses

Une voix frémissante

Reflet de l'orage qui gronde

Dans la grotte bouillante de l'âme

C'est une lave qui monte

Je suis un volcan

Que mon intelligence tenace

N'a de cesse d'apaiser

Une étincelle inattendue

Fait rejaillir la flamme

Ravive le brasier

Et les pensées calfeutrées 

Jaillissent tels des geysers

De démons sulfureux

                AMML 15 XI 2018

Thérèse

Thérèse

Tu as croisé mon chemin

Un jour.

Ton père te tenait par la main

Vous pressiez le pas

Le corps un peu voûté

Légèrement effrayés

Par ce pays 

Qui ne vous appartenait plus

Vous étiez des ombres 

Qui se faufilaient

Parmi les vainqueurs

Je ne t'ai plus revue

Combien de temps encore

avez-vous tenu?

Sûrement, Sûrement,

Vous êtes partis ailleurs

Vers la mère patrie

Cette déesse inconnue

Cachés dans un coin

Vous avez survécus

Ton père chenu

De souvenirs s'est nourri

Une ombre venue

D'ailleurs

D'un pays qui n'existe plus

Telle tu m'apparus

           AMML 11 XI 2018