samedi 24 juin 2023

En ce temps

 Je suis muette
En ce temps de confinement
Un silence intérieur
Ajout à l'autre

Repli sur soi
Assurance de vie
La progéniture sous les ailes
L'esprit aux aguets

Le fil du temps déroulé
Un léger apaisement point

Les huis se déclosent imperceptiblement
La tension pointe
Comme un fil tendu
Qu'il ne faut guère briser

La vie se conjugue avec l'incertitude
Palpable au présent
Les lendemains chantent, déchantent

Alerte à la mort subreptice
                                                       Un tel
                                                       Un tel
                                                       Un tel
Mais où pourtant ?
Consistance, inconsistance de la vie.

Personne ne voit que la solitude est grande
Hérissée de frissons intérieurs
J'attendrai la sentence du destin commun

Printemps joyeux des bêtes
Mêlé au remugle de nos morts

Des amoncellements de jours
Tous semblables
S'écoulent sur nos corps tétanisés

Immobiles dans nos cages-foyers
Le fouet du confinement 
Ne nous rendra pas meilleurs

"Qui sommes-nous qu'il faille ce fer dans le sang ?" (*)
Mais les destructeurs du monde, cher poète,
Ceux qui arasent en avançant
Homo sapiens, être prédateur,
Lame de feu...
                                               AMML 5 V 2020
Ph. JACCOTTET, Feuillets d'hiver (folio plus classiques) p.24

mardi 6 juin 2023

Le fumeur

Je vois le fumeur
Ses poumons incandescents
Brûlés par l'encens
De sa cigarette

Son visage émacié
Et ses joues creusées
Le trahissent

Ses lèvres minces et striées
Aspirent goulument
La fumée délétère

Sa voix rauque et cassée
Un augure de ténèbres embrasées
                           AMML 15 IV 2020


samedi 3 juin 2023

Assise sur un rocher

 Assise sur un rocher de la jetée
Je pêche
Mon chien impatient
Près de moi, me caresse
La main de sa langue

Ni le mouvement des vagues
Ni le bruit de la mer
Ne l'apaise.

Fidèle compagnon
Il allonge ses pattes
Sous le parasol
Baisse la tête
Mais ses yeux me scrutent
Attendant le moment du départ
Je pêche.

La sérénité du lieu
Et ce compagnon
M'apaisent.

Les derniers rayons teintent 
La mer d'une couleur rosâtre
La lune prend sa place au zénith
La mer aussi ralentit son roulis
C'est l'heure entre chien et loup
Que les pêcheurs attendent

Sur les rochers, les derniers crabes 
S'affairent
Avant de retrouver leur grotte
Et une étoile de mer
Se glisse subrepticement
Sous mes pieds
Sur le rocher qui me protège
Des claquements de l'eau.

Quelques lumières de la ville
Nous rappellent que nous ne sommes pas seuls
Quelques mouettes aux cris moqueurs
Percent le crépuscule.

Puis c'est l'heure du silence
Le grand silence nocturne
Bercé par le mouvement des vagues
Le silence des pêcheurs
Le silence de la nuit

Et mon chien qui s'affale
Attendant que la nuit passe
Il a enfin compris, mon chien,
Qui s'enroule et s'emmitoufle
Dans son plaid
Le ressac berce ses oreilles de chien
Il est engourdi de sommeil
Et moi hypnotisée

La nuit avance
La lune est floue de brume.
                AMML 7 III 2020